POLYCENTRATION

POLYCENTRATION

L’anti-logique archi-logique du Tout-Art et sa forme Salon

    « Il n’y a pas de routes droites dans le monde. » Les chemins que nous prenons sont étranges, sinueux, pleins de doutes, de pourquoi, et les causes réelles qui nous poussent à les prendre demeurent toujours mystérieuses. En quête de sens dans un monde où tout semble évanescent, éphémère, virtuel, où la réalité semble se dérober laissant place aux simulacres de toute espèce, au spectacle permanent, à la grande illusion médiatique, au divertissement généralisé, les âmes vacillent, se perdent, et crient sans que leurs appels ne trouvent d’échos.
    Le monde semble n’être fait que de crises, de désorientations, d’angoisses, le bonheur ne serait plus une idée neuve, et la joie une chimère. Mais, à l’abri de ces tristes prophéties, auto-réalisatrices, réactionnaires, il y a l’espoir de ces âmes attentives au mouvement de fond qui traverse l’humanité. Oui, « nous approchons d’un moment où le moule du temps doit être brisé pour tout l’univers, en attendant que le temps soit brisé lui-même. » Les espaces déformés se reforment, le temps accéléré se distant, et « une seule étincelle peut allumer un feu de prairie ».
    Nous ne voulons pas de ce monde mélancolique, gouverné par la tristesse et le ressentiment, de ce spectacle permanent, de cette mascarade hyperconnectée qui leurre les sujets, les noie dans la répétition compulsive d’un divertissement mortifiant. Le génie humain est capable d’autre chose, son désir et son langage recèlent d’autres puissances. « L’homme propose et dispose. Il ne tient qu’à lui de s’appartenir tout entier. » En dessous des cacophonies du temps, plus essentiellement, il y a un désir de révolte, un appel du cœur pour que l’humanité rayonne, que les singularités s’expriment, créent, réinventent notre monde, nos espoirs, érigent des utopies concrètes sur les ruines de la vieille société. Loin de l’obéissance à l’ordre, à la loi du marché, peuvent émerger des îlots de vie, de savoir, d’art, de fête et de joie.
    Comme une alternative à la résignation généralisée, à la privatisation des choses essentielles, à la marchandisation de l’art et de la culture, à la commercialisation des moments de vie, de partage, d’humanité, de bonheur et de rencontre, qu’éclose, quelque part en ce monde, ici et maintenant, une rose sans pourquoi…
    

2.

    Notre époque est paradoxale : Alors que l’essor d’internet et du numérique pouvait accroitre considérablement l’accès à la culture, aux savoirs, et ainsi permettre aux humains de s’élever, de s’humaniser davantage, les rendant ainsi sensible à leur présence au monde, et à son sens, elle a bien plutôt radicaliser l’instinct grégaire de l’homme, grande soumission des corps à la Technique, perte du goût pour les questions essentielles, et fuite dans le Divertissement.
    Dans le même temps, nous observons que la fabrique institutionnelle des savoirs, l’Université, devient un lieu réservé, qui perd sa qualité d’universelle, où les disciplines se compartimentent, et dont les productions restent ignorait du grand public.
    Quant aux Arts, entre la spéculation contemporaine de quelques snobs et le désintérêt coupable de ceux qui n’ont pas la chance d’y goûter, ils demeurent réduits au silence tant notre humanité devient incapable d’écouter le cri sensible des œuvres, et de travailler à l’élévation du goût.
    De cette éparpillement des pratiques humaines, de cette désensibilisation généralisée aux Arts, de l’externalisation de la mémoire, du savoir, et de la création, de la spectralisation des rapports humains, du règne abrutissant de la Technique, et de la fixation fantasmatique de l’homme sur la machine, dans laquelle il place son Salut et sous-traite son humanité, nous n’attendons rien, n’espérons rien, sinon à devenir, tous ensemble, des moins que rien. Notre humanité réduite au néant.
    Loin du défaitisme, un tel constat lance un défi : Restez humain dans un monde où l’homme à organiser sa propre destruction.
    Le Salon Tout-Art, lieu d’utopie, mêlera les arts et les cultures, les savoirs et les pratiques, le sérieux et la fête, pour façonner d’autres espoirs, d’autres mondes possibles, et la vie en partage…
    
3.
    
    L’utopie véritable n’est pas ce vain rêve, réservé à de rentiers idéalistes, elle est au contraire une pratique concrète qui réordonne le monde en dépit de sa logique injuste, froide et malheureuse. Pour qu’elle existe, qu’elle émerge et se développe, anime les cœurs et remue les corps, elle doit pouvoir s’établir, occuper l’espace, habiter les lieux… De moins en moins libre, gratuit et enrichissant, l’espace public est de plus en plus rentabilisé, commercialisé, onéreux, et suspicieux. Nous nous croisons mais nous ne nous rencontrons plus, nous communiquons mais nous ne nous parlons plus.

Et nous… « on voudrait pas mourir, sans avoir inventés, les roses éternelles »… « C’est pourquoi va, entre, sors, rentre, ressors, ferme-toi sur toi, cache-toi de toi hors de toi, reviens, sors rentre vite. Et si la voix crie, tombant d’hydrogène, alors que crierai-je ? crie-lui : toute chair est comme l’herbe, l’ombre la rosée du temps dans les voix. »

 

YS

Retour au blog