Vos œuvres mêlent peinture, sculpture et performance dans un processus de transformation du corps. Comment décririez-vous l’origine de cette approche artistique hybride ?
Olivier de Sagazan : Braque écrivait : « Une forme ne m’intéresse que quand je l’ai annexée en la vivant. » Ce sentiment est si fort chez moi que, par instinct, j’ai plongé dans ma peinture, embrasser ma sculpture, et mon propre corps est devenu naturellement le centre de l’œuvre. Le thème de la déconstruction de l’identité humaine est central dans votre travail.
Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer ces transformations corporelles, et comment cela résonne-t-il avec votre propre expérience ?
ODS : Le véritable saut dans mon œuvre s’est opéré précisément en juin 1998, alors que je bataillais depuis des semaines sur une grande sculpture pour lui donner vie. N’y arrivant pas, dans un moment de tristesse et de rage, j’ai eu l’idée saugrenue de mettre mon propre corps sous les matériaux avec lesquels je travaillais – argile, peintures, etc. Je pensais alors : « Je serais sûr d’avoir avec cette sculpture hybride la vie à l’intérieur ». Par chance, j’avais une caméra face à moi. Je n’imaginais pas alors les résonances multiples que cette action aurait sur mon travail futur.
Votre performance Transfiguration est particulièrement marquante. Depuis, votre transfiguration est devenue collective, avec des performances incluant plusieurs comédiens, et votre œuvre s’est de plus en plus orientée vers les arts vivants. Quelle est la signification que vous attribuez à ce rituel de recouvrement et de métamorphose ?
ODS : Cette première action, faite dans la solitude de l’atelier, s’est par la suite multipliée devant un public. Cette performance, Transfiguration, jouée plus de 350 fois, continue de constituer pour moi une sorte de rituel cathartique. Ce moment face au public est pour moi une sorte de cri « munchien » durant lequel je tente d’exprimer l’Innommable qui nous habite. C’est pourquoi on assiste ici à un peintre qui tente sans fin de figurer, sur le cadavre de sa tête, un visage qui se rapprocherait de sa véritable face.
Vous travaillez souvent avec des matières organiques telles que l’argile et la peinture. Pourquoi avez-vous choisi ces matériaux, et quel dialogue instaurent-ils avec le corps ?
ODS : Dans une création par le corps, la peinture et l’argile conservent les mouvements du peintre-sculpteur dans la matière. Une sculpture devient un organisme hybride, à la limite du vivant, en cela qu’elle est habitée par le corps de l’artiste. Leiris parlait à ce sujet de fétiche actif.
Quel est, selon vous, le rôle de la performance dans l’art contemporain, et comment voyez-vous l’évolution de votre pratique et de cette forme d’expression dans les prochaines années ?
ODS : Pour ma part, la performance est arrivée par instinct et par nécessité, sans réflexion opérée à l’avance. Cela me paraît un moyen d’exprimer une forme d’art total, alliant art plastique, danse et théâtre. Un bonheur !
Vous allez exposer en novembre au Salon Tout Art, accompagné d’un catalogue intellectuel avec des contributions de penseurs tels que Renaud Barbaras, Pierre Bergougnioux et Patrick Bonté. Comment ces réflexions philosophiques et littéraires enrichissent-elles votre propre perception de votre œuvre ? Pensez-vous que leurs analyses révèlent des dimensions de votre travail que vous n’aviez pas encore explorées consciemment, ou bien renforcent-elles des intuitions déjà présentes dans votre démarche créative ?
ODS : Chaque écrivain et auteur aborde l’œuvre d’un artiste à partir de ses propres préoccupations, et c’est ce filtre qui est passionnant. Pierre Bergounioux m’interpelle à juste titre sur ma propre histoire familiale et comment elle s’est transmutée avec notre époque dans mon travail de performer. Renaud Barbaras me permet d’envisager dans mon travail quelque chose qui est à l’œuvre et qui me dépasse complètement. Sa philosophie est pour moi une forme de poétique qui donne une dimension cosmique à l’acte artistique.de peintures, dessins et sculptures. Ce sont eux que vous pourrez découvrir au Salon Tout-Art à partir du 19 novembre 2024.