D'un discours qui ne serait pas du semblant,Le Séminaire livre XVIII_ Jacques Lacan
D'un discours qui ne serait pas du semblant,Le Séminaire livre XVIII_ Jacques Lacan
Titre de prime abord énigmatique. Donnons le mot : il s'agit de l'homme et de la femme - de leurs relations les plus concrètes, amoureuses et sexuelles, dans leur vie de touts les jours, oui, comme dans leurs rêves et leurs fantasmes. Cela n'a rien à faire, bien entendu, avec ce que la biologie étudie sous le nom de sexualité. Faut-il pour autant laisser ce domaine à la poésie, au roman, aux idéologies ? On tente ici d'en donner une logique. C'est retors.
Dans l'ordre sexuel, il ne suffit pas d'être, il faut encore paraître. Cela est vrai des animaux. L'éthologie a détaillé la parade qui précède et conditionne l'accouplement : c'est dans la règle, le mâle qui fait signe à sa partenaire de ses bonnes dispositions, par l'exhibition de formes, couleurs, postures. Ces signifiants imaginaires constituent ce qui nous appelons des semblants. On a pu aussi bien les mettre en valeur dans l'espèce humaine, et y trouver matière à satire. Pour y trouver matière à science, il convient de les bien distinguer du réel qu'ils voilent et manifestent à la fois, celui de la jouissance.
Celle-ci n'est pas la même pour l'un et l'autre sexes. Difficilement localisable du côté de la femme, et à vrai dire diffus et insituable, le réel en jeu est, du côté homme, coordonné à un semblant majeur, le phallus. D'où il ressort : que, contrairement au sens commun, l'homme est l'esclave du semblant qu'il supporte, tandis que, plus libre à cet endroit, la femme est aussi plus proche de réel ; que rencontrer sexuellement la femme est toujours pour l'homme mettre le semblant à l'épreuve du réel, et vaut comme "heure de vérité" ; que, si le phallus est apte à signifier l'homme comme tel, "tout homme", la jouissance féminine, pour n'être "pas-toute" prise dans ce semblant, faire l'objection à l'universel.
Dès lors, une logique est possible en effet si l'on a le nerd d'écrire ainsi la fonction phallique ∮ (x), et de formaliser les deux modes distincts pour un sujet, de se sexualiser, en s'y inscrivant comme argument. Cette élaboration demande : de passer outre les mythes inventés par Freud, l'Oedipe et Père de la horde (Totem et tabou) ; de mobiliser Aristote, Pierce, la théorie de la quantification ; d'élucider la vraie nature de l'écrit, en passant par le chinois et le japonais.
Au terme du parcours, on saura donner sa valeur exacte à l'aphorisme lacanien : "il n'y a pas de rapport sexuel."
Jacaques-Alain Miller.